Dans le cadre de sa campagne “Pour une éco-conception des services numériques”, le Collectif Conception Numérique Responsable vous propose de signer sa tribune “Faire de l'éco-conception des services numériques une filière d'excellence” :


"Les valeurs peuvent être un facteur de compétitivité."


Mounir Mahjoubi Secrétaire d’Etat au numérique


Le numérique français, par la voix de son Secrétariat d'Etat, dessine une troisième voie entre la Silicon Valley et le numérique chinois.

Nous, professionnels, associations et élu.e.s engagé.e.s pour un numérique responsable, voulons agir pour que l’exemplarité environnementale soit un atout du numérique français, au même titre que le respect de la vie privée, l’accessibilité, la sécurité. La France inspirera ainsi l’émergence d’un numérique européen associant éthique et prise en compte de l’environnement.

A l’heure où le numérique représenterait 10 % de la consommation mondiale d’électricité et autant d’émissions de gaz à effet de serre que l’aviation civile, il est temps de réduire son empreinte environnementale. Parmi les leviers d’action, l’éco-conception des services numériques est fondamentale.

L’enjeu est aussi social car l’absence d’écoconception accentue la fracture numérique. Le phénomène d’ ”obésiciel” rend certains services numériques trop lents ou inutilisables, notamment sur de vieux équipements et dans les territoires où la connexion et le pouvoir d’achat sont faibles.

Il est enfin économique : c’est une promesse d’activité, d’emplois​ et de réduction de coûts pour nos entreprises.

Pour faire émerger la filière d’éco-conception de service numérique, nous proposons trois actions :

Une hiérarchie des priorités

Le numérique est ce pharmakon décrit par le philosophe Bernard Stiegler : à la fois remède et poison.

Est-il bénéfique pour la protection de notre environnement ? Les décennies de numérisation de nos sociétés sont aussi celles de la plus forte augmentation de notre empreinte écologique. D’après les chiffres du Collectif Conception Numérique Responsable, le numérique connecté représente déjà un septième continent d’impacts environnementaux.

Certaines idées reçues nous détournent d’une hiérarchisation des actions :

Certes, les centres informatiques consomment beaucoup d’énergie. Il convient d’augmenter encore leur efficience énergétique et de les alimenter en électricité issue d’une énergie renouvelable.

Certes, les éco-gestes numériques sont un levier d'action. L’Ademe publie régulièrement des guides de bonnes pratiques.

Mais c’est la fabrication et le renouvellement accéléré de nos 22 milliards de terminaux qui concentre l’essentiel de l’empreinte écologique et des gaz à effet de serre :

A l’échelle de l’Internet mondial, les terminaux concentrent 65 % du bilan énergétique, 67 % des émissions de gaz à effet de serre, 73 % du potentiel d’épuisement des ressources naturelles non renouvelables et 82 % de la consommation d’eau.

Fabriquer moins d’équipements

Il faut donc en priorité fabriquer moins d’équipements et allonger leur durée de vie. Pour y parvenir, d’une part développons le réemploi de ces produits. D’autre part, déployons l’éco-conception des services numériques.

Les services numériques sont constitués d’un ensemble de matériels et de logiciels permettant de réaliser nos actes numériques quotidiens, notamment sites web et applications mobiles.

Lorsque la mémoire était comptée, les informaticiens étaient plus enclins à concevoir des logiciels à l’architecture et au code synthétiques. Songeons que l'ordinateur qui a emmené l'homme sur la Lune disposait d'une mémoire d'environ 70 kilo-octets, soit environ le poids d'un e-mail. Aujourd’hui, les contraintes informatiques étant moindres, le monde du numérique voit l’émergence d’un mot : obésiciel. Il y a inflation de logiciels, plus gourmands en puissance informatique. En vingt ans (1995-2015), le poids des pages web a été multiplié par 115, passant de 14 Ko à 1 600 Ko.

Les applications de smartphones, conçues et développées en hâte, consomment d’autant plus d’énergie qu’elles sont grasses et actives jour et nuit. Les systèmes d’exploitation de nos ordinateurs ou smartphones imposent des mises à jour évolutives de plus en plus lourdes.

Plus les services numériques sont lourds, plus le fonctionnement de nos équipements ralentit et exige une technologie dernier cri. En conséquence, leur durée de vie raccourcit.

Appliquer la démarche d’éco-conception aux services numériques, c’est identifier les leviers de réduction d’impacts à chaque étape du cycle de vie d’un service numérique : conception, réalisation, exécution.

Les principaux leviers se situent en amont et en aval de la phase de développement : architecture, conception fonctionnelle, graphique, ergonomique et technique. Optimisez le code d’une fonctionnalité qui ne sera jamais utilisée revient à produire du gras numérique. Du gras « bio » s’il est éco-conçu, mais du gras quand même !

Grâce à l’éco-conception des services numériques, les retours d'expérience du Collectif Conception Numérique Responsable montrent, sur des cas concrets en France et en Europe, des réductions d’impact environnemental d’un facteur 2 à 70 (changement climatique, épuisement des ressources rares , etc.).

En France, il est encore temps d’agir en amont puisque nous ne sommes que la 16ème nation européenne pour la digitalisation des TPE/PME

Un cercle vertueux pour le numérique et l’emploi

Représentants de différentes sphères du numérique, nous appelons les décideurs publics à se saisir de cet enjeu qui interroge déjà des milliers d’entreprises et de citoyen.ne.s en France, dans le monde. Construisons une filière d’excellence, comme nous l’avons fait pour l’industrie du jeu vidéo.

Concepteurs d’applications mobiles, de sites web, d’intelligences artificielles ou tout autre service numérique, les pionniers seront demain, en France, ambassadeurs d’une conception visionnaire des services numériques. En Europe et au-delà, ils seront ces lanternes qui éclairent une troisième voie.

NB. Les chiffres de cette tribune sont issus des contributions du Collectif Conception Numérique Responsable et de l’ouvrage Eco-conception web : les 115 bonnes pratiques, Eyrolles, 2ème édition septembre 2015 / 3ème édition avril 2019.

Les auteurs :

Isabelle Autissier (Présidente du WWF France), Frédéric Bardeau (Président-Cofondateur de Simplon), Frédéric Bordage (GreenIT.fr et Collectif Conception Numérique Responsable), Jean-Christophe Chaussat (Président de l'Institut du Numérique Responsable - INR), Mathieu Delemme (Directeur général de Numerik-ea, Ecedi), Paula Forteza (Députée de la 2ème circonscription des français de l’étranger), Denis Guibard (vice-président du C3D), Matthieu Orphelin (Député de la 1ère circonscription du Maine-et-Loire), Antoine Ricard (Avocat aux Barreaux de Paris et Bruxelles), Laetitia Vasseur (Co-fondatrice et directrice de l’association Halte à l’Obsolescence Programmée -HOP-).

Les premiers signataires :

Gabriel Ansel (chef de projet web région Nouvelle-Aquitaine), Jérôme Barbato (Alaska, Metabolism), Rudy Bazantay (Axelles communication), Augustin Billetdoux (Simplon.co), Cyril Blaecke (Dilolabs), Anne Branger (Muscade), Yaacov Cohen (Fitness Boutique), Rémi Delhermet (Ingénieur indépendant), Sébastien Delorme (Atalan), Philippe Derouette (IT-CE, Groupe BPCE), Benoit Dequick (DILA), Laurent Devernay (Formateur, Simplon.co), Clément Lallain (LC-Numérik), Thierry Leboucq (Greenspector), Inès Leonarduzzi (Digital for the planet), Aurélien Levy (Temesis), Valérie Litrico (Scor), Christian Martin (Nuweb), Marc-Antoine Marty (Ecedi), Alban Michon (Explorateur polaire, auteur), Jérôme Moly (Capybara Consulting), Matthieu Moreau (Netemedia), Loïs Moreira (Pôle Eco-Conception), Jean-Noël Nicolas (Ministère de la Justice), Paul Nicole (La Félixe), Romain Petiot (I have a green), Romuald Priol (Peaks), Marc Ribault (OpenCyLife), Antoine Ricard (Avocat, co-fondateur de Classe.io), Benjamin Rotté (Kaliop), Sébastien Ruder (Angle Web), Constance Sarazin (Constance Graphisme), Elie Sloïm (Opquast), Alain Tord (B&L évolution), Simon Vandaele (Translucide), Stéphane Viscuso (Fitnessboutique), Evrard Wendenbaum (explorateur, auteur, et dirigeant de l'ONG environnementale Naturevolution), Claire Zuliani (L’assembleuse)...

Retrouvez notre tribune sur Les Echos

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